1884 : Jacques Chardonne, écrivain français († 29 mai 1968).
Jacques Chardonne, de son vrai nom Jacques Boutelleau, né à Barbezieux le 2 janvier 1884 et mort à La Frette-sur-Seine le 29 mai 1968, est un écrivain français.
Il fait partie du Groupe de Barbezieux avec Geneviève Fauconnier, Henri Fauconnier, Maurice Delamain, Jacques Delamain, Germaine Boutelleau sans que ce groupe « géographique » partage les mêmes vues.
Considéré comme un auteur de droite, il est avec Paul Morand un des pères spirituels de ceux qu'on a appelés « Les Hussards », les écrivains Roger Nimier, Jacques Laurent, Antoine Blondin et Michel Déon.
Son père, Georges Boutelleau, issu d'une famille de négociants de cognac, était lui-même écrivain. Poète amateur, il fut encouragé par François Coppée et par le célèbre écrivain rochefortais Julien Viaud, dit Pierre Loti, qu'il reçut dans sa grande maison patricienne de Barbezieux.
Le fils se souviendra plus tard être allé enfant avec son père chercher le célèbre écrivain venu pour une réception, à la gare de Barbezieux, et en dira plus tard qu'« il n'était à l'aise ni dans la vie, ni dans la gloire. »
Georges dira un jour à son fils : « La littérature, ce n'est pas un métier, c'est un secret », que pourrait illustrer la vie d'écrivain de Julien Gracq.
Sa mère, quaker d'ascendance américaine, appartenait à la célèbre « tribu porcelainière » des Haviland de Limoges.
« Enfant j'aimais Jaurès, et je lisais ce qu'il écrivait. Vers 1910, je l'ai connu et l'ai vu souvent jusqu'à sa mort [...] il a prophétisé des sombres choses qui n'ont pas manqué d'arriver. Ces idées m'ont marqué à jamais1. »
Il écrit aux premiers jours de l'Occupation : « Ici occupation correcte, douce, très douce. Mais j'espère que nous souffrirons. J'accepte tout du fond du coeur. Je sens le bienfait de l'“épreuve”, la toute-puissance de l'évènement. Une immense folie est dissipée [...] j'ai l'horreur de ce que nous étions. Je ne déteste pas l'Allemand mais le Français d'hier, moi, l'Anglais (l'Anglais surtout qui me devient odieux, avec son Churchill dément), frivole et vantard. La censure elle-même me sera bonne. Nous ne voulons pas être nazis, et personne, je crois, n'attend cela de nous. Mais je peux comprendre leur leçon. Derrière cette force matérielle, il y a des forces morales très grandes. La débâcle anglo-française est une débâcle morale3. »
Culturellement germanophile, il répond à l'invitation de Joseph Goebbels, ministre de la Propagande du Reich, en octobre 1941, avec sept autres écrivains français, tels Pierre Drieu La Rochelle, Marcel Jouhandeau etRobert Brasillach, et séjourne en Allemagne pour le Congrès des écrivains européens de Weimar, dont il revient enthousiasmé, voire pro-hitlérien.
On le voit également ardent pétainiste : « Il n'y pas de “pauvre” gouvernement de Vichy. Il n'y a que des pauvres français. Pétain est le seul grand. Je le trouve sublime. Il est toute la France. Je vomis les juifs, Benda, et les Anglais - et la Révolution française. C'est une grande date que 1940. Et qui doit beaucoup à 1918. Je suis sûr que vous verrez un jour dans quelle erreur nous étions4. »
En 1942, alors que d'autres déclinent prudemment une nouvelle invitation, il accepte de présider un second voyage outre-Rhin, toujours avec Pierre Drieu La Rochelle. Il écrit alors Chronique privée de l'an 40 (1940) — dont il regrettera la parution — et dans diverses revues nazies, comme Deutschland Frankreich.
Son fils unique Gérard (Paris, 27 mai 1911 - 2 novembre 1962), également romancier, est déporté en mars 1943 au camp d'Oranienburg-Sachsenhausen et libéré grâce à l'intervention du lieutenant Gerhard Heller5. Son père dira de cet épisode : « [Il] est resté 6 mois à Oranienburg [...] Ce n'était pas rose. Mais ils sont revenus, je dois le dire, avec fort bonne mine6. » En 1944 Gérard Boutelleau deviendra rédacteur en chef de l'hebdomadaireCarrefour, créé par une équipe proche des démocrates-chrétiens, puis vers 1950 orienté plus à droite, pour cesser de paraître en 1977 ; à ce titre, il sera en relation avec l'écrivain Jean Paulhan, qui correspondit avec son père de 1928 à 1962.
À propos de la Collaboration, il dira plus tard : « Vous avez lu “La Paix” de Jünger, j'espère. c'est là ce que j'ai toujours cru, ma “politique” et mes “alliés” seulement j'ai mal choisi mon moment pour le dire7. »
Le sculpteur allemand Arno Breker, venu exposer ses œuvres à Paris en 1942, dit de lui qu'il « fut toujours ouvert à l'esprit allemand » et qu'il eut le courage « de voir, derrière le soldat qui entrait à Paris, le partenaire de demain ».
À la Libération, il craint d'être fusillé à cause de son engagement vichyste.
Arrêté à Jarnac, comme son éditeur Bernard Grasset, qui est jugé par le Conseil national des écrivains (CNE), commission d'épuration de l'édition, et le suspend en 1946 de sa profession pour entente avec l'occupant, il est conduit le 12 septembre 1944 à la prison de Cognac, où il reste pendant quelques semaines et côtoie quelques notables compromis dans la Collaboration, avant d'être placé en résidence surveillée.
Ses livres sont interdits de vente et de fabrication, mais il bénéficie en mai 1946 d'un non-lieu à la suite des déclarations de son fils et de Paulhan8. Il écrira à ce sujet : « Le tribunal de Versailles, pendant deux ans, a examiné mon cas. Il était présidé par un communiste et le juge d'instruction était un juif. Ils ont jugé qu'il n'y avait rien à retenir contre moi ; et je crois bien avoir été le seul (dans ces circonstances) qui a été proclamé sans reproche9. »
Il prend ses distances vis-à-vis de la politique : « Les “gens de gauche” reprennent pour leur compte le jeu des gens de droite. La patrie n'a jamais servi qu'aux passions et aux intérêts privés. Elle est toujours trahie10. » Il exprime aussi quelques regrets au sujet de la Collaboration : « Je me suis rapproché du Rhin, que je ne traverserai plus jamais. Au-delà se passent des choses qui me soulèvent le cœur11. »
Très proche de Paul Morand, avec qui il entretient une longue correspondance, il parraine avec lui une nouvelle génération d'écrivains qu'on appellera les Hussards. Chardonne correspond notamment avec Roger Nimier, qui fait figure de chef de file du mouvement, et collabore à la revue de La Table ronde, où se retrouvent des écrivains de droite appartenant à l'ancienne comme à la nouvelle génération.
Bien que vivant retiré, il accepte de prononcer, le 30 juin 1956, un discours pour la distribution des Prix du collège de Barbezieux.
Il poursuit son activité d'écrivain tout en affectant de mépriser les honneurs : « Je continue d'écrire. Je refuse l'Académie. Et on me couvre de fleurs, comme une tombe12. »
En 1966, après l'envoi d'un livre au Président de la République, Charles de Gaulle, celui-ci, « remettant la politique à sa juste place » selon Ginette Guitard-Auviste, le remercie ainsi dans une lettre du 9 avril13 : "Cher maître, vos Propos comme ça m'enchantent. J'admire l'ampleur et la désinvolture de votre pensée. Je goûte votre style pur et sans accessoire14", dont Chardonne est ému et assez fier pour la montrer à son entourage.
Cependant, le chef de l'État reste pour lui une « cible » de choix dans la longue correspondance —inédite, mais consultable depuis 2000 à la bibliothèque de Lausanne— qu'il entretient avec Paul Morand de 1952 à 1968, « tout en se montrant (plus) vulnérable aux côtés monarchistes et droitiers du grand homme15 », et où, face à l'antisémitisme de Morand, « il joue, selon François Dufay, les philosémites avec des arguments sentant leur antisémitisme, vantant Léon Blum, Raymond Aron, tout en pestant contre les métèques qui envahissent sa banlieue16.» Mais Ginette Guitard-Auviste ne trouve pas trace en Chardonne de « racisme d'aucune sorte, ni racial [sic] ni social17 ».
Refusant les honneurs post mortem, il fait part à ses proches de ses dispositions testamentaires : « pas de rue, pas de plaque18 ».
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Dès son premier livre, L'Épithalame (1921), il se révèle comme un romancier du couple, « ce curieux assemblage de deux êtres, qui ne laisse personne en repos ».
Viennent ensuite Les Varais (1929), puis Eva (1930) etClaire (1931) qui reçoit le Grand Prix du roman de l'Académie française en 1932.
Puis dans L'Amour du Prochain (1932), il offre avec finesse, en romancier et moraliste, des descriptions mélancoliques.
Il a écrit quelque 20 000 lettres ; celles écrites sur papier quadrillé sont sincères, tandis que dans celles sur papier blanc, il mentait. Ses amis connaissaient cette convention.
Il a choisi son nom de plume à partir du nom de la commune suisse de Chardonne, où il a séjourné et écrit un certain temps.
Lorsque Jean rencontre Claire, il reconnaît dans cette jeune fille mystérieuse la femme qu'il cherchait. Mais le bonheur absolu n'existe pas sans le sentiment de l'éternité, et tout amour porte en lui sa propre fin. Chardonne décrit magistralement l'échec d'une passion hantée par l'obsession de la mort.
encore jamais lu... un jour peut-être...
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