
Le comte Andrea Marcosini, noble milanais, flâne au Palais-Royal lorsqu’il découvre dans la foule le visage extraordinaire d’une femme aux yeux de feu. Celle-ci s’enfuit pour lui échapper, mais il la poursuit jusque dans la sordide ruelle où elle disparaît, derrière le Palais-Royal. S’il s’est « attaché aux pas d’une femme dont le costume annonçait une misère profonde, radicale, ancienne, invétérée, qui n’était pas plus belle que tant d’autres qu’il voyait chaque soir à l’Opéra », c’est que son regard l’a littéralement envoûté.
Aussitôt le comte mène une enquête et il découvre que cette femme est mariée à un compositeur de musique : Gambara, également facteur d’instruments, qui a sur la musique des théories et des pratiques déconcertantes. Sa musique n’est belle que lorsqu’il est ivre.
Mariana se sacrifie pour lui, fait les travaux les plus humiliants pour maintenir le ménage, car elle croit dur comme fer au génie incompris de son mari. Après avoir tenté de sauver le couple de la misère, de soutenir Gambara de son mieux en lui donnant de l’argent (ou pire, en lui donnant de quoi boire), le comte enlève finalement la belle Mariana qu’il abandonnera par la suite pour une danseuse, et qui reviendra près de son mari, encore plus misérable qu’avant.
On retrouve dans cette œuvre la formidable intuition artistique que l’auteur de la Comédie humaine a déjà développée dans le Chef-d'œuvre inconnu, la Bourse, sa façon d’endosser les habits d’un peintre, de fouiller l’âme et les méandres de la pensée d’un sculpteur dans Sarrasine.
Avec Gambara, Balzac aborde le monde musical à travers le personnage d’un facteur d’instrument devenu compositeur de musique fou. On a l’impression que l’auteur a tout compris de la composition d’une œuvre, que le musicien, c’est lui. Il fait dire à Gambara :
- La musique est tout à la fois une science et un art. Les racines qu’elle a dans la physique et les mathématiques en font une science ; elle devient un art par l’inspiration qui emploie à son insu les théorèmes de la science. Elle tient à la physique par l’essence même de la substance qu’elle emploie, le son est de l’air modifié ; l’air est composé de principes, lesquels trouvent sans doute en nous des principes analogues qui leur répondent, sympathisent, et s’agrandissent par le pouvoir de la pensée. Ainsi l’air doit contenir autant de particules d’élasticités différentes et capables d’autant de vibrations de durées diverses qu’il y a de tons dans les corps sonores, et ces particules perçues par notre oreille, mises en œuvre par le musicien, répondent à des idées suivant nos organisations.

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