Le premier roman de Donald Ray Pollock, grand prix de littérature policière 2012, est élu meilleur livre de l’année toutes catégories.
La rédaction deLirea choisi comme chaque année dans 20 catégories différentes les meilleurs livres de l'année, parmi lesquelsLe diable tout le temps, un premier roman de Donald Ray Pollock, traduit par Christophe Mercier en février dernier chez Albin Michel, grand prix de littérature policière 2012 dans la catégorie « Etranger », est élu meilleur livre de l’année toutes catégories.
Originaire de l'Ohio, Donald Ray Pollock a été ouvrier pendant trente-deux ans dans une usine de pâte à papier avant de signer ce récit qui se déroule de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 1960, dans lequel les destins de plusieurs personnages se croisent : un vétéran tourmenté prêt à tout pour sauver sa femme malade, un couple étrange qui tue des auto-stoppeurs, un prédicateur et un musicien infirme fuyant la loi et leur passé.
Le palmarès :
Meilleur livre de l’année :Le diable tout le temps, Donald Ray Pollock, Albin Michel
Roman français :La vérité sur l'affaire Harry Québert, Joël Dicker, de Fallois
Roman étranger :Dans la grande nuit des temps, Antonio Munoz Molina, Seuil
Roman policier :Mapuche, Caryl Ferey, Gallimard
Essai :Les gauches françaises/1762-2012. Histoire, politique et imaginaire, Jacques Julliard, Flammarion
Découverte roman étranger :Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka, Phébus
Autobiographie :La nacre et le rocher, Robert Misrahi, Encre marine
Le réalisateur français Claude Lanzmann, auteur de Shoah, documentaire fleuve sur l’extermination des Juifs, va recevoir un Ours d’or d’honneur pour l’ensemble de son oeuvre lors du festival du film de Berlin qui se tiendra du 7 au 17 février, ont annoncé les organisateurs jeudi.
«Claude Lanzmann est l’un des plus grands auteurs de documentaires. Par sa représentation de l’inhumanité et de la violence de l’antisémitisme et ses conséquences, il a lancé une nouvelle discussion cinématographique et esthétique», a souligné le directeur de la Berlinale, Dieter Kosslick dans un communiqué, ajoutant «nous nous sentons honorés de l’honorer».
Avec Shoah, un documentaire de neuf heures et demie sur l’extermination des Juifs d’Europe sorti en 1985, Claude Lanzmann, 87 ans, a réalisé «un chef d’oeuvre de la culture du souvenir entré dans l’histoire du cinéma», estiment les organisateurs.
Cette oeuvre, diffusée dans le monde entier, rassemble notamment des entretiens avec des survivants et des témoins des camps, dont des meurtriers parfois «piégés» par le réalisateur qui a utilisé un faux nom et des faux papiers. Le film contient aussi des prises de vue des camps et des lieux du génocide.
Ancien compagnon de l'écrivain Simone de Beauvoir, Claude Lanzmann est issu d’une famille juive. Engagé dans la Résistance, il fut plus tard l’un des fervents défenseurs de l’indépendance de l’Algérie au moment de la décolonisation.
Lors de la remise de son Ours d’or d’honneur, un autre de ses documentaires, Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures sera diffusé, ont encore précisé les organisateurs. Claude Lanzmann y évoque la révolte des prisonniers du camp d’extermination nazi de Sobibor, dans l’actuelle Pologne.
L’ensemble de son oeuvre sera en outre diffusée lors de la Berlinale.
« Champion du double jeu, j en suis à ne plus savoir qui j étais, ni quelle vie était véritablement la mienne » : un aveu qui résume le sujet d un livre ayant pour toile de fond le Paris de la Collaboration. Anglais et Français, résistant et collaborateur, traître et héros, vivant et mort, Guillaume Berkeley, animé par des « fidélités successives », a revendiqué, à un moment ou à un autre de sa vie, chacune de ces identités.
Aucun personnage n est réellement ce qu il prétend être. L intrigue tourne autour de trois personnages Guillaume, son frère Victor, et Pauline, leur demie s ur dont ils sont tous deux amoureux mais permet aussi de croiser une foule d acteurs, protagonistes plus ou moins fréquentables de cette France dans la guerre.
Etudes de moeurs, roman historique, polar politique, Les fidélités successives est servi par une écriture limpide et fluide. Intelligent, très documenté sans que cela pèse, jamais manichéen, à coup sûr un des événements de cette rentrée littéraire.
lecture commencée le 28/11/2012
Pourtant pas faute d'en entendre parler, mais c'est la première fois que j'ouvre un livre de cet auteur !
Le pavé pourrait faire peur. Sept cent pages bien tassées, bien noires, compactes et denses sur l'Occupation. Mais, sombre et patiné, muni de tiroirs à quadruples fond et sculpté de motifs en colimaçon, ce roman est aussi presque physiquement représentable, imaginé comme une significative géométrie de cubes et de sphères, de volutes tour à tour aplaties et distendues, d'espaces repliés, secrets et cachés avant de s'ouvrir brusquement pour dévoiler des portes nouvelles, des ouvertures surprenantes, et toujours infinies.
L'étonnement surgit à tout instant, au détour d'une page, d'un bout à l'autre de ce roman, éloquent, à l'écriture et à l'architecture d'une fluidité parfaite. Roman d'époque, peuplé d'hommes honnêtes jusqu'au désarroi et à la perdition, irrigué par une intense méditation sur l'intégrité– l'intégrité des hommes.
Tout se tient entre les deux premières images. La condamnation à mort du collaborateur (et héros de l'histoire) Guillaume Berkeley et celle qui suit, sur l'île de Malderney, refuge idéal, dans lequel Guillaume, accompagné de son frère Victor, promène à longueur de journée sa sensibilité, tel un voyant que l'on pourrait décrire, au sens poétique du terme selon Rimbaud : « arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens ».
C'est peut-être d'ailleurs de cette façon, que l'on peut passer du calme idyllique décrit au début de l'histoire à la noirceur brutale de la chute, affichée dès la première page. Porté par l'amour, puis la déception qui a suivi, Guillaume quitte l'île anglaise pour Paris, et devient, avec sa plume et ses croquis, une belle figure du Paris littéraire. Porté aussi par le plaisir et les mondanités, il devient critique culturel pour le journal collabo « Je suis partout ».
Ne sentant pas vraiment le danger, résistant malgré tout aux propos antisémites les plus violents, Guillaume s'engage, sans jamais trahir sans conscience, jusqu'à faire volte-face, et devenir résistant. C'est toute une histoire, celle d'une époque, traversant la seconde guerre mondiale, que raconte Nicolas d'Estienne d'Orves, avec cette malice qui le caractérise, cet art des personnages et des dialogues qui tiennent le lecteur aux aguets.
On se coule alors dans les phrases. On s'abandonne, quasi physiquement. Laboratoire littéraire, remarquable expérience de lecture, Les fidélités successives abolit la distance entre l'auteur et le lecteur, contraint d'entrer tout entier dans le nerf et le sang du texte. A la fois sinueux et précipité comme les chemins de l'inconscient, l'auteur créé un ondoyant suspense de l'intime, louvoie dans les impasses fantomatiques des êtres qui font corps avec leur environnement. Comment réussit-il à parler des faiblesses humaines avec autant de force, comment saisit-il les incertitudes avec autant de netteté ? En laissant certainement crier son amour de la littérature, par le c(h)œur des personnages, disséminés dans l'espace et le temps.
Nicolas d'Estienne d'Orves raconte les songes fragmentés de son héros, la dualité des actes qui se prolongent à l'infini dans son existence. Dans les voyages de Guillaume, on comprend qu'il agit parfois dans le souci des autres, par exigence de justice et de liberté, dans une perspective d'engagement et d'action, mais parfois aussi davantage pour lui-même, pour approfondir une quête intérieure.
Pour dire l'Occupation, l'auteur décrit mille détails tour à tour sordides et poétiques et révèle une ambiance étonnante.
Le jeune homme, Guillaume, raconte, et sent, à chaque seconde, la vérité plaquée sur sa langue comme un noyau de cerise. Le livre est irrésistible et par moments insoutenable. On détourne parfois le regard, comme au cinéma, les larmes coulent. Nicolas d'Estienne d'Orves densifie sa méditation sur l'histoire de la seconde guerre mondiale, empreinte tout à la fois d'espoir immense et de violence, en donnant à son roman la dimension d'une fresque aux accents douloureux assumés. Vaste trafic d'ambitions, de fidélités, de connivences entre collaborateurs, allemands, résistants, saleté poisseuse, et corruption des âmes : l'auteur travaille efficacement ce matériau impur pour nourrir un roman à suspense aussi documenté que spasmodique.
Et la fascination l'emporte. Voilà qu'on pénètre comme jamais dans la peau d'un homme ambivalent, à la fois résistant et collaborateur, mais terriblement fidèle. On assiste, médusé, à une histoire qui perd un peu de son sens. Il y a un réel talent dans cette œuvre où des descriptions précises donnent jusqu'à l'odeur, jusqu'au toucher, jusqu'à l'ouïe, l'ambiance crépusculaire de cette période confite en doutes et résignations, en amertumes et lâchetés, en détresses folles et rébellions audacieuses. Personne ne peut être innocent tant l'atmosphère change toute relation humaine où chacun survit comme il peut, où « le plus terrible dans ce monde c'est que chacun à ses raisons », comme l'énonce Octave, dans La règle du jeu de Renoir, film fétiche (on se doute) de l'auteur.
Nous sommes frappés par la cohérence et la complexité infinie du personnage dont les pensées conduisent la narration haletante. Nous restons longtemps saisis par les abîmes de l'ambivalence, d'humanité chancelante creusée derrière le récit de cette destinée. Alors, avec ce dix-septième ambitieux roman, on pourrait, désormais, être infiniment fidèle à ce grand écrivain. actualitte
L’auteur de C'est en hiver que les jours rallongent est mort le 25 novembre à Paris, à l’âge de 89 ans.
Cet ancien résistant était un des survivants d’Auschwitz. L’écrivain Joseph Bialot est mort le 25 novembre. Né en 1923 à Varsovie, il s’installe à Paris avec ses parents, à l’âge de 7 ans. En 1940, dans la foulée de l’Exode, il part pour Bordeaux, puis Coarraze, dans le Béarn, où il est accueilli par la famille Souverbielle.
A son départ, en 1942, le père lui donne les papiers d’identité du fils, ce qui lui permet de se rendre jusqu’à Grenoble. Alors qu’il sort d’une réunion d’un réseau de résistance, il est arrêté par la milice, puis déporté à Auschwitz. Il a 21 ans. Il échappe à la mort avec 7 000 autres déportés, l’Armée rouge libérant le camp en janvier 1945.
En 1958, ce non-bachelier reprend l’entreprise de confection de son père, tout en suivant des cours de psychologie à l’université Paris-VIII, d’où il sort diplômé. Doté d’un sens de l’humour noir, il a indiqué avoir entendu un client lancer au propriétaire d'un restaurant juif : « ta cuisine est tellement dégueulasse que même sous l'Occupation, tu n'aurais pas eu une étoile. »
Grand Prix de littérature policière
A la fin des années 1970, gravement malade, il décide de liquider l’entreprise, et se lance dans l’écriture d’un roman policier, dont l’action se situe dans le Sentier, où il a vécu.
Cette première expérience littéraire donnera Salon du prêt-à-saigner, publié par Gallimard dans la collection Série noire, pour lequel il reçoit en 1979 le Grand Prix de littérature policière. Dans C'est en hiver que les jours rallongent, publié par Le Seuil en 2002 et réédité par l’Archipel en 2011 sous le titre Votre fumée montera vers le ciel, il raconte sa déportation. Au-delà de son témoignage, il s’agit d’une analyse de la difficulté à parler pour les survivants des camps de concentration.
Il aimait dépeindre les petites gens, avec tendresse, et ne se privait d'utiliser son humour noir, sans ignorer la violence des situations qu'il imaginait.
Son 36e et dernier ouvrage, Le puits de Moïse est achevé, est paru le 31 octobre chez Rivages. Il s’agit d’un thriller historique autour du trésor des Templiers.
Le paon est de tous les volatiles celui qui, l’air le plus orgueilleux. Cet oiseau a, du reste, toujours passé pour le type d’une sotte vanité, comme le dindon celui de la gaucherie et de la bêtise ; mais le plumage du paon a dû lui donner la priorité. Un paon, avec les mots ut placeat, taceat, qui signifient :qu’il se taise pour plaire (car son chant est affreux), est l’emblème d’une personne stupide qui n’a pour plaire que des avantages extérieurs. Le mot paon se dit en latin pavo ; du génitif de ce mot pavonis on a fait le mot français se pavaner.
L’historien Brantôme nous apprend qu’il y avait de son temps (XVIe siècle) une danse appelée la pavane dont les exécutants étaient revêtus de leurs plus beaux atours. La Fontaine, dans sa fable du Paon se plaignant à Junon (livre II, fable 16), a supposé que la déesse donnait une leçon à l’oiseau si orgueilleux de son plumage, mais qui se plaignait de ne pouvoir modifier les éclats de sa voix. Après l’avoir comparé à tous les autres oiseaux, la déesse Junon lui dit :
Tous sont contents de leur ramage, Cesse donc de te plaindre ou bien pour te punir Je t’ôterai ton plumage.