- 1902 : Naissance du Prix Goncourt. Issue du testament d'Edmond de Goncourt, l'Académie se donne pour tâche de promouvoir de jeunes talents littéraires.
- 1903 : L'Académie Goncourt est officiellement reconnue par un décret du président du conseil, Émile Combes.
L'Académie Goncourt est un cénacle littéraire, fondé en 1900, suivant le désir formulé par Edmond de Goncourt (1822-1896) dans son testament, désir auquel il associait son frère précédemment disparu, Jules de Goncourt (1830-1870). L'objet étant de décerner chaque année un prix pour « un ouvrage d'imagination en prose paru dans l'année », des indemnités substantielles devant également être allouées à chacun des membres de la société. Mais le Prix Goncourt n'est pas le seul prix offert par l'académie, qui décerne en outre chaque année les Goncourt de la Poésie, de la Nouvelle, de la Biographie, de la Jeunesse et du Premier Roman.
L'exécution des volontés du défunt, confiée par celui-ci à Alphonse Daudet et Léon Hennique, rencontra l'hostilité de sa famille et une bataille juridique s'engagea qui dura jusqu'au 1er mars 1900, retardant d'autant la mise en place de la nouvelle société littéraire, dont l'effectif fut complet en 1900, tandis que le premier Prix Goncourt n'était décerné qu'en 1903.
La mort d'Alphonse Daudet l'empêcha de se voir attribuer un des couverts de la société, lequel fut attribué à son fils Léon Daudet, tandis que Léon Hennique s'en voyait attribuer un autre.
L'académie se réunit lors d'un déjeuner mensuel (le premier mardi de chaque mois sauf en août) au restaurant Drouant à Paris.
Le prix Goncourt est un prix littéraire français récompensant des auteurs d'expression française, créé par le testament d'Edmond de Goncourt en 1896. La Société Littéraire des Goncourt fut officiellement fondée en 1902et le premier prix Goncourt fut proclamé le 21 décembre 1903. Ce prix annuel est décerné au début du mois de novembre, après trois présélections successives, en septembre et en octobre, parmi les romans publiés dans l'année en cours.
Les dix membres de l'Académie Goncourt se réunissent chaque premier mardi du mois dans leur salon, au premier étage du restaurant Drouant, rue Gaillon, dans le deuxième arrondissement de Paris. Le prix est attribué début novembre. Si après quatorze tours de scrutin il n'y a pas de lauréat élu le président a une voix double pour déterminer une majorité de vote.
Le prix ne peut être décerné qu'une seule fois à un même écrivain. À une exception près : la supercherie de Romain Gary qui l'a reçu en 1956 pour son roman les Racines du ciel, puis en 1975, sous le pseudonyme d'Émile Ajar, pour le roman La Vie devant soi.
Le prix Goncourt est indissociable, depuis 1926, du prix Renaudot, créé cette année-là par dix critiques littéraires qui attendaient la proclamation faite par le président de l'Académie Goncourt. Sans être organiquement lié au jury du Goncourt, le jury du Renaudot joue le rôle de son complément naturel, accentué par l'annonce du résultat, simultanément et dans le même cadre.
En 1988, l'Académie Goncourt a accueilli avec bienveillance la création du Prix Goncourt des lycéens par la Fnac, en collaboration avec le rectorat de Rennes.
Le 5 février 2008, les jurés du Goncourt ont modifié certaines règles pour répondre aux critiques récurrentes qui leur étaient faites : ils ont en effet décidé à l'unanimité qu'il était incompatible d'être à la fois juré et rémunéré par une maison d'édition2,3.
Le Prix Goncourt reste le prix littéraire le plus convoité en France parce qu'il assure de fait à son récipiendaire une promotion et des tirages conséquents4.
Une critique récurrente qui est faite au prix Goncourt est d'être parfois « passé à côté » d'auteurs majeurs du xxe siècle, l'exemple le plus souvent cité étant l'attribution du prix 1932 à Guy Mazeline pour son roman Les Loups, l'année de la publication de Voyage au bout de la nuit deLouis-Ferdinand Céline évincé par 6 voix contre 45, pour ce que François Nourissier des années plus tard qualifiera encore du « scandale des Goncourt ». En 1999, le magazine Lire résumait le problème en une phrase : « Le prix Goncourt couronne rarement le meilleur roman de l'année »6.
Par conséquent, les jurés du prix Goncourt se voient souvent reprocher un certain académisme dans leur approche de la littérature, ainsi que leur affiliation à des maisons d'édition (et plus précisément à trois éditeurs :Gallimard, Grasset et Le Seuil), qu'ils auraient tendance à privilégier au détriment des petites maisons d'édition7. De nouvelles règles ont été instituées en 2008 pour éviter la connivence des membres du jury avec ces grandes maisons d’édition : les jurés ont désormais l'interdiction d'être salarié dans l'édition8. Des réserves ont cependant été émises sur ces nouvelles règles qui ne garantiraient pas une plus grande impartialité9. Le Prix Goncourt, à la différence d'autres prix littéraires prestigieux comme le Prix Pulitzer, le Prix Cervantes ou le Man Booker Prize, n'est pas constitué d'un jury « tournant »10 : ses membres n'étant pas remplacés d'année en année, ces soupçons continuent de peser sur leurs décisions11. L'âge des jurés est également un sujet de controverse, voire de raillerie constante. Jules Renard écrivait déjà à son sujet : « L'Académie des Goncourt me paraît malade ; ça a l'air d'une maison de retraite pour vieux amis. La littérature s'en désintéressera »12. Pour y remédier, l'académie a changé son règlement en 2008, les jurés perdront désormais leur droit de vote à 80 ans13.
S'il suscite encore la convoitise, l'attribution du Prix Goncourt peut être ressentie par certains lauréats comme une forme de cadeau empoisonné. Sept ans après avoir reçu le prix, Jean-Louis Bory écrit : « La première conséquence du Goncourt a été de planter une date dans ma mémoire, comme une écharde. (...) Depuis, je vieillis. (...) Le Goncourt, c'est automatique, vous attire le grand public. Il vous aliène, c'est aussi automatique, les "connaisseurs", aux yeux de qui le Goncourt est une maladie assez honteuse, un peu dégoûtante, qui se tient entre le lupus et la blennorragie. (...) Résultat : le grand public lit votre livre pour l'unique raison qu'il a eu le Goncourt, mais ne lit pas vos livres suivants, pour la bonne raison qu'ils ne l'auront pas. (...) Les connaisseurs ne liront pas votre livre parce qu'il a eu le Goncourt, et ne liront pas les suivants parce que le premier a eu le Goncourt »14.
Les membres de l'Académie Goncourt, qui sont cooptés par les autres membres, sont désignés à vie. Ils sont bénévoles, hormis le couvert qui leur est assuré chez Drouant. Depuis 2008, les membres sont :
- Edmonde Charles-Roux, présidente du jury, membre depuis 1983
- Robert Sabatier, membre depuis 1971
- Didier Decoin, membre depuis 1995
- Françoise Chandernagor, membre depuis 1995
- Bernard Pivot, membre depuis 2004
- Tahar Ben Jelloun, depuis 2008, au couvert de François Nourissier, démissionnaire
- Patrick Rambaud, depuis 2008, au couvert de Daniel Boulanger, démissionnaire
- Régis Debray, depuis 2011, au couvert de Michel Tournier, démissionnaire15
- Pierre Assouline, depuis 2012, au couvert de Françoise Mallet-Joris, démissionnaire16
- Philippe Claudel, depuis 2012 au couvert de Jorge Semprún, mort en 201116
Pour la liste des membres depuis l'origine, voir Académie Goncourt.
les lauréats
- 1903 - John-Antoine Nau, Force ennemie (Plume)
- 1904 - Léon Frapié, La Maternelle (Albin Michel)
- 1905 - Claude Farrère, Les Civilisés (Flammarion)
- 1906 - Jérôme et Jean Tharaud, Dingley, l'illustre écrivain (Cahiers de la Quinzaine)
- 1907 - Émile Moselly, Terres lorraines et Jean des Brebis ou le livre de la misère (Plon)
- 1908 - Francis de Miomandre, Écrit sur l'eau (Émile-Paul)
- 1909 - Marius-Ary Leblond, En France (Fasquelle)
- 1910 - Louis Pergaud, De Goupil à Margot (Mercure de France)
- 1911 - Alphonse de Châteaubriant, Monsieur des Lourdines (Grasset)
- 1912 - André Savignon, Filles de la pluie (Grasset)
- 1913 - Marc Elder, Le Peuple de la mer (Calmann-Lévy)
- 1914 - Adrien Bertrand, L'Appel du sol (Calmann-Lévy) (décerné en 1916)
- 1915 - René Benjamin, Gaspard (Fayard)
- 1916 - Henri Barbusse, Le Feu (Flammarion) - Les années 1915 et 1916 ont marqué, pour Henri Barbusse, des dates décisives. C'est en 1915 qu'il a vécu Le Feu dans les tranchées du Soissonnais, de l'Argonne et de l'Artois, comme soldat d'escouade, puis comme brancardier au 231e régiment d'infanterie où à s'était engagé. C'est en 1916, au cours de son évacuation dans les hôpitaux, qu'il a écrit son livre. Celui-ci, publié par les Editions Flammarion à la fin de novembre, remportera aussitôt après le prix Goncourt. Le Feu est considéré depuis près de trois quarts de siècle dans le monde entier comme un des chefs-d'oeuvre de la littérature de guerre, un des témoignages les plus vrais et les plus pathétiques des combattants de première ligne. Témoignage impérissable aussi : Le Feu, traduit dans la plupart des langues, continue de susciter chez les jeunes un immense intérêt. Le Feu est suivi du Carnet de guerre qui permet de remonter aux sources mêmes de la création du roman épique d'Henri Barbusse.
- 1917 - Henry Malherbe, La Flamme au poing (Albin Michel)
- 1918 - Georges Duhamel, Civilisation (Mercure de France)
- 1919 - Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs (volume 2 d'À la recherche du temps perdu) (Gallimard) - L'auteur n'est ni pressé ni cursif (...). C'est un jeu de flânerie et de sagacité, où s'ouvrent tout à coup, sur vous, sur nous, sur eux, des perspectives étonnantes, et telles qu'on en découvre dans nos meilleurs moralistes et annalistes du coeur humain (...). Chose rare (...), il possède la faculté comique (...). L'outrecuidance, l'indifférence, la sauvagerie, la sottise d'autrui (...) l'amusent, et il les décrit à la façon du bon botaniste.
- 1920 - Ernest Pérochon, Nêne (Clouzot puis Plon)
- 1921 - René Maran, Batouala (Albin Michel)
- 1922 - Henri Béraud, Le Vitriol de Lune et Le Martyre de l'obèse (Albin Michel)
- 1923 - Lucien Fabre, Rabevel ou le Mal des ardents (Gallimard)
- 1924 - Thierry Sandre, Le Chèvrefeuille, le Purgatoire, le Chapitre XIII (Gallimard)
- 1925 - Maurice Genevoix, Raboliot (Grasset) - On l?appelle Raboliot parce qu?il ressemble à un lapin de rabouillère (nid de garennes). Braconnier passionné, hardi, sûr de lui et de son adresse, rien ne peut l?empêcher d?obéir à ce besoin de chasse nocturne qui l?empoigne chaque soir. Le gendarme Bourrel, cependant, a failli le prendre sur le fait. Excité par le danger, Raboliot multiplie les imprudences et va jusqu?à narguer ouvertement Bourrel. Dès lors, entre les deux hommes, commence une lutte sans merci.Traqué, Raboliot doit fuir, vivant dans les bois comme un loup. Au bout de trois mois, accablé de solitude, torturé par le désir de revoir sa femme et ses enfants, Raboliot revient chez lui? et c?est le drame.Raboliot est sans doute le plus représentatif des romans que Maurice Genevoix, conteur exceptionnel, consacra à son terroir, la Sologne.
- 1926 - Henri Deberly, Le Supplice de Phèdre (Gallimard)
- 1927 - Maurice Bedel, Jérôme 60° latitude nord (Gallimard)
- 1928 - Maurice Constantin-Weyer, Un homme se penche sur son passé (Rieder)
- 1929 - Marcel Arland, L'Ordre (Gallimard)
- 1930 - Henri Fauconnier, Malaisie (Stock)
- 1931 - Jean Fayard, Mal d'amour (Fayard)
- 1932 - Guy Mazeline, Les Loups (Gallimard)
- 1933 - André Malraux, La Condition humaine (Gallimard) - Outre l'irréductible échéance liée à la mort, outre les multiples et indicibles souffrances, n'est-il pas donné à tous de choisir son destin ? Certes la vie est tragique mais elle doit avoir un sens. Un sens, peut-être des sens, mais seuls quelques-uns aux vertus salvatrices s'offrent aux hommes pour les affranchir de leur condition. La Révolution, au nom d'une foi en la fraternité, est une arme tournée contre la misère, celle qui enchaîne l'homme parce qu'elle le prive de sa dignité. Vaincre l'humiliation en leur nom propre ou pour les autres par le biais de la Révolution, voici le combat que se sont choisis les héros de La Condition humaine. Pour échapper à l'angoisse de "n'être qu'un homme", l'amour est un autre de ces moyens, mais seul l'amour véritable et fusionnel qu'éprouvent Kyo et May l'un pour l'autre est susceptible de briser la profonde solitude des êtres. Misérable humanité, humanité héroïque et grandiose, c'est "la condition humaine"... Elle résonnera à jamais comme un écho au fond de soi, tant il est vrai que ce roman est "d'une intelligence admirable et, malgré cela, profondément enfoncé dans la vie, engagé, et pantelant d'une angoisse parfois insoutenable", comme l'avait écrit Gide.
- 1934 - Roger Vercel, Capitaine Conan (Albin Michel) - C’est dans une forêt au bord du Danube que l’armistice de 1918 trouve le prestigieux corps franc commandé par le lieutenant, puis capitaine Conan. Envoyés en Roumanie, toujours mobilisés mais plongés dans l’inaction, les hommes de Conan ont du mal à se plier aux lois de la vie civile. Nombre d’entre eux sont arrêtés, traduits devant le conseil de guerre. Conan est prêt à faire l’impossible pour les sauver. Mais quel destin peuvent espérer ces soldats familiers du danger et de l’action violente, désorientés par la paix ?Roger Vercel (1894-1957) puisa dans ses propres souvenirs de la Grande Guerre pour écrire ce roman, qui obtint le prix Goncourt en 1934. Illustrant les thèmes éternels de la camaraderie militaire, du désarroi des guerriers rendus à la vie ordinaire, Capitaine Conan demeure un des grands classiques du roman de guerre et d’aventures.
- 1935 - Joseph Peyré, Sang et lumières (Grasset)
- 1936 - Maxence Van der Meersch, L'Empreinte du dieu (Albin Michel)
- 1937 - Charles Plisnier, Faux Passeports (Corrêa)
- 1938 - Henri Troyat, L'Araigne (Plon) - 1938. Un appartement bourgeois, place des Vosges. Gérard Fonsèque y vit avec sa mère et ses trois soeurs. Jeune homme maladif, il reste confiné dans sa chambre où il compte écrire un essai philosophique qui, bien sûr, sera le chef-d'oeuvre du siècle... En fait, il se complaît dans un délire hypocondriaque et exerce une subtile tyrannie sur ces quatre femmes qui sont tout son univers. De toutes les forces de son amour, de son égoïsme et de sa jalousie, il refuse que ses soeurs se marient et utilise les ressources d'une imagination destructrice pour briser leur bonheur et les garder près de lui. En vain : peu à peu il voit sa propre vie s'effilocher et sera finalement victime de la toile qu'il a patiemment tissée. Dans cet oppressant huis clos, Henri Troyat oppose, avec un art subtil, la banalité des détails à la violence des sentiments, la monotonie de la vie quotidienne à l'exaltation des héros qui tentent désespérément de s'en délivrer. Un très grand roman, qui n'a pas pris une ride.
- 1939 - Philippe Hériat, Les Enfants gâtés (Gallimard) - Les enfants gâtés, ce sont les enfants Boussardel, à qui l'argent dès leur naissance n'a pas manqué, mais la tendresse et la compréhension. Agnès est la seule qui veuille s'affranchir de cette orgueilleuse dynastie de grands bourgeois parisiens. Sa figure rebelle domine le roman, encadrée de deux visages de jeunes hommes : celui d'un étudiant américain rencontré au soleil de la Californie, celui d'un cousin préservé comme Agnès des poisons familiaux. A la fin, l'attente d'une libre maternité ajoute à la victoire de l'héroïne.
- 1940 - Francis Ambrière, Les Grandes Vacances (Nouvelle France)
- 1941 - Henri Pourrat, Vent de Mars (Gallimard)
- 1942 - Marc Bernard, Pareils à des enfants (Gallimard)
- 1943 - Marius Grout, Passage de l'homme (Gallimard)
- 1944 - Elsa Triolet, Le premier accroc coûte 200 francs (Gallimard)
- 1945 - Jean-Louis Bory, Mon village à l'heure allemande (Flammarion) - " Pas le moindre bruit; personne ne souffle ; pas de lumière. Le couvre-feu tient le village coincé ; il est oppressé, comme une poitrine sous un genou ; ça le serre. L'heure allemande... l'heure boche !" 1944, à la veille du débarquement allié, la vie d'un petit village aux confins de la Beauce et de l'Orléanais. Les habitants semblent s'être accommodés de l'Occupation, mais par leur vert langage, leurs plaisanteries et leurs peines, ils résistent, à leur manière... Premier roman de Jean-Louis Bory, qui obtint - avec l'appui de Colette - le prix Goncourt 1945, Mon village à l'heure allemande est devenu, plus qu'un succès, un classique.
- 1946 - Jean-Jacques Gautier, Histoire d'un fait divers (Julliard)
- 1947 - Jean-Louis Curtis, Les Forêts de la nuit (Julliard)
- 1948 - Maurice Druon, Les Grandes Familles (Julliard) - Les Grandes Familles, prix Concourt, est l'un des romans les plus célèbres de la littérature française contemporaine. Salué unanimement par la critique dès sa parution, traduit dans le monde entier et porté à l'écran avec un très vif succès, ce grand roman de société dans la tradition balzacienne et tolstoïenne offre une fresque impitoyable des milieux politiques et financiers entre les deux guerres mondiales.Nul doute que cette étude de la condition humaine, à travers ceux dont la puissance dirige les destinées collectives, illustre et aide à comprendre l'origine des drames de la société contemporaine.
- 1949 - Robert Merle, Week-end à Zuydcoote (Gallimard) - - ... Enfin, ce qu'on peut dire pour les Anglais, c'est qu'eux au moins, ils embarquent leurs hommes, tandis que du côté français !... En principe, ça se passe à Dunkerque et à Malo, mais jusqu'ici au compte-gouttes et seulement par unités constituées.Il a jouta au bout d'un moment :- Ce qui nous exclut, bien entendu.Il ne se passa rien de notable dans la minute qui suivit. Alexandre avait ses deux grosses mains croisées sur les genoux. Il était penché en avant et il attendait que Maillat eût fini de boire pour prendre son quart et se servir à son tour. Dhéry décroisa ses jambes et les recroisa et cela prit un certain temps, parce que ses cuisses étaient très grosses et qu'elles glissaient difficilement l'une sur l'autre. On ne voyait pas ses yeux derrière ses lunettes. Pierson avait posé son quart à côté de lui à terre.
- 1950 - Paul Colin, Les Jeux sauvages (Gallimard)
- 1951 - Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes (J. Corti), refusé par l'auteur - À la suite d'un chagrin d'amour, Aldo se fait affecter par le gouvernement de la principauté d'Orsenna dans une forteresse sur le front des Syrtes. Il est là pour observer l'ennemi de toujours, replié sur le rivage d'en face, le Farghestan. Aldo rêve de franchir la frontière, y parvient, aidé par une patricienne, Vanessa Aldobrandi dont la famille est liée au pays ennemi. Cette aide inattendue provoquera les hostilités...Dans ce paysage de torpeur, fin d'un monde où des ennemis imaginaires se massacrent, le temps et le lieu de l'histoire restent délibérément incertains dans un récit à la première personne qui semble se situer après la chute d'Orsenna. Julien Gracq entraîne son lecteur dans un univers intemporel qui réinvente l'Histoire et donne lieu à une écriture qui s'impose avec majesté, s'enflamme au contact de l'imagination. Pour Le Rivage des Syrtes Julien Gracq obtint en 1951 le prix Goncourt, qu'il refusa.
- 1952 - Béatrix Beck, Léon Morin, prêtre (Gallimard) - - Monsieur l'abbé, je voudrais vous dire quelque chose, articulai-je avec difficulté. Il leva vers moi des yeux attentifs. - Voilà. Je suis flambée. - Vous êtes flambée ? - Oui. Je me convertis. Je suis à vos ordres. Morin parut consterné... - Vous êtes peut-être un peu trop fatiguée, ou sous-alimentée, ces temps-ci. - Non, je ne suis pas fatiguée, et on vient de toucher des pommes de terre... - Elle est complètement braque, cette fille, murmura Morin.
- 1953 - Pierre Gascar, Les Bêtes (Gallimard)
- 1954 - Simone de Beauvoir, Les Mandarins (Gallimard)
- 1955 - Roger Ikor, Les Eaux mêlées (Albin Michel) - De même que les oiseaux pressentent l'orage, les juifs de Rakwomir, petit village russe au tournant du siècle, devinent à certains signes que les persécutions anîisémites, un instant suspendues, vont recommencer. Alors ils quittent clandestine-ment la Russie seuls ou par familles entières. Laissant les. siens au village, Yankel Mykhanowitzki part pour la France où « tous les hommes sont libres et égaux en droit ». Trouver du travail, faire venir sa famille, voilà son but. A Paris, il découvre un monde, un mode de vie nouveaux. Esprit ouvert, il ne songe plus qu'à devenir un Français comme les autres, sans rien renier de ce qu'il est. L'arrivée de sa femme Hanné donne un coup d'arrêt à ce processus d'assimilation. Pour qu'elle ne dépérisse pas dans ce milieu inconnu dont elle ignore la langue, Yankel s'installe à la périphérie du quartier juif. Mais la greffe de printemps prendra quand même. C'est dans son fils Simon que se réalise son reve d être un enfant de la terre de France. Yankel, homme de bonne volonté, est le personnage central de ce roman d'une facture puissante qui retrace avec humour et sincérité l'histoire de trois générations d'émigrés.
- 1956 - Romain Gary, Les Racines du ciel (Gallimard)
- 1957 - Roger Vailland, La Loi (Gallimard)
- 1958 - Francis Walder, Saint-Germain ou la Négociation (Gallimard)
- 1959 - André Schwartz-Bart, Le Dernier des Justes (Seuil) - Selon une antique tradition talmudique, le salut du monde repose sur trente-six justes, les Lamed-waf, en qui se cristallise la souffrance humaine. Rien ne les distingue des autres hommes; ils s'ignorent souvent eux-mêmes mais, sans eux, l'humanité étoufferait de douleur. Or la légende veut que Dieu ait accordé au rabbin Yom Tov Lévy la grâce de faire naître un juste par génération dans sa descendance. Ceci se passait au Moyen Age que d'aucuns nomment Age des Ténèbres et qui fut aussi celui des clartés sinistres projetées par les bûchers de l'Inquisition. Les siècles suivants, bien qu'appelés siècles de lumière, ne lui cédèrent en rien sur ce point-là et, justes ou non, les descendants du rabbin connurent plus que leur lot de persécutions qui les ont obligés à fuir à travers l'Europe en quête d'un havre de paix. C'est en Allemagne que les Lévy des temps modernes croient trouver asile contre la misère et la mort, mais déjà le levain nazi travaille la pâte germanique, préparant la longue passion d'Ernie, le dernier des justes, enfant de ce siècle de violence dont il est le témoin pacifique et meurtri. De son témoignage où s'unissent et se complètent à la perfection le vrai et le légendaire, André Schwarz-Bart a fait une chronique d'une rare puissance romanesque.
- 1960 - Vintila Horia, Dieu est né en exil (Fayard), prix attribué, mais non décerné à l'auteur en raison de révélations politiques17
- 1961 - Jean Cau, La Pitié de Dieu (Gallimard)
- 1962 - Anna Langfus, Les Bagages de sable (Gallimard)
- 1963 - Armand Lanoux, Quand la mer se retire (Julliard)
- 1964 - Georges Conchon, L'État sauvage (Albin Michel) - Découvrir que la femme de votre vie vous a quitté sans un mot d'explication dans l'année même de votre mariage pour suivre un ami du ménage nommé Gravenoire, tel est le rude coup reçu par Avit à l'âge de vingt-quatre ans; il lui a fallu deux ans pour s'en remettre. Après quoi. tout fier de sa gloire de jeune fonctionnaire de l'Unesco, il s'en va, chargé de mission en Afrique. Première étape : Fort-Jacul et première déception : le ministre de l'Information lui signifie son expulsion.Pourquoi ? Les Blancs de la ville prennent un malin plaisir à le lui apprendre. Non seulement sa mésaventure est connue, car Gravenoire est installé à Fort-Jacul, mais encore Laurence, qui l'a abandonné à son tour, vit maintenant avec un Noir, Patrice Doumbé, ministre de la Santé publique.
L'arrivée du « mari » cristallise l'antagonisme latent qui règne depuis « l'Indépendance » entre dirigeants noirs et dirigés blancs et Avit, abasourdi, assiste à un déchaînement de passions dont, l'esprit imprégné de libéralisme théorique, il ne soupçonnait même pas l'existence. - 1965 - Jacques Borel, L'Adoration (Gallimard)
- 1966 - Edmonde Charles-Roux, Oublier Palerme (Grasset)
- 1967 - André Pieyre de Mandiargues, La Marge (Gallimard)
- 1968 - Bernard Clavel, Les Fruits de l'hiver (Laffont) - La guerre s'achève, et les dernières années sont dures pour le père et la mère Dubois. A travers eux, nous vivons les privations, l'infini courage, la grande solidarité des pauvres de cette époque. La mère fait toujours de son mieux avec le peu qu'elle a, songeant à ses garçons disparus. Le père grommelle, soigne son jardin, recommence à faire du pain... Les incidents sanglants de la libération de Lyon atteignent la petite ville, y sèment le désordre, le sang, la mort.
- 1969 - Félicien Marceau, Creezy (Gallimard)
- 1970 - Michel Tournier, Le Roi des aulnes (Gallimard)
- 1971 - Jacques Laurent, Les Bêtises (Grasset)
- 1972 - Jean Carrière, L'Épervier de Maheux (J.J. Pauvert)
- 1973 - Jacques Chessex, L'Ogre (Grasset) - Un tas de cendres dans une urne, le docteur Paul Calmet - n'est plus que cela sur terre, son fils cadet Jean le sait mieux que personne pour avoir assisté à l'incinération. N'empêche que la sensation familière d'angoisse suscitée par son père l'oppresse à nouveau. N'empêche qu'il croit voir dans la rue sa silhouette massive, qu'il sent peser sur son regard comme lorsqu'il était un gamin apeuré, désireux mais incapable de plaire, écrasé par la supériorité, _ . vitalité l'autorité du chef de famille._ Jean Calmet est pourtant un adulte à présent, un être libre .- à sa guise, un homme que l'on peut aimer puisque - _ l'étudiante :nie Thérèse l'accueille.
Pourquoi faut-il qu'elle devienne aussi l'amie de Marc, de Jean, renouvelant un épisode amer de son adolencence ? Au rappel de ses échecs s'ajoute l'invisible narquoise et omnisciente qui le paralyse. Va-t-il se terrasser ou va-t-il se rebiffer contre le fantôme .-: grandi dans son imagination aux dimensions Ogre dévorant de la fontaine de Berne? Et le peut-il la question que pose et résout L'Ogre, roman qui découvrir un écrivain suisse contemporain. - 1974 - Pascal Lainé, La Dentellière (Gallimard) - «Certes c'était une fille des plus communes. Pour Aimery, pour l'auteur de ces pages, pour la plupart des hommes, ce sont des êtres de rencontre, auxquels on s'attache un instant, seulement un instant, parce que la beauté, la paix qu'on y trouve ne sont pas de celles qu'on avait imaginées pour soi; parce qu'elles ne sont pas où l'on s'attendait à les trouver. Et ce sont de pauvres filles. Elles savent elles-mêmes qu'elles sont de pauvres filles. Mais pauvres seulement de ce qu'on n'a pas voulu découvrir en elles. Quel homme n'a pas dans sa vie commis deux ou trois de ces crimes ?
- 1975 - Émile Ajar (Romain Gary), La Vie devant soi (Mercure de France) - Entre Madame Rosa et Momo, c'est un amour maternel qui ne passerait pas par les liens du sang, c'est l'amitié entre les peuples juif et arabe, c'est le poids de l'Histoire allégé par l'appétit de vivre. Le roman se passe à Belleville, vingtième arrondissement de Paris, sixième étage sans ascenseur. Momo a dix ans, peut-être quatorze en réalité. Cela fait beaucoup de chiffres pour un môme qui réinvente le dictionnaire et a le sens de la maxime: « Je pense que pour vivre, il faut s'y prendre très jeune, parce qu'après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeaux. » Lisez, vous serez touchés par les mots de Momo.L'accompagnement critique s'attache à définir la « voix » de Momo (création d'une syntaxe et d'un lexique) et étudie le mélange des registres (tragique et comique). Deux groupements de textes l'un sur l'utilisation de la langue orale, l'autre sur le deuil de la mère, complètent l'étude du roman.
- 1976 - Patrick Grainville, Les Flamboyants (Seuil)
- 1977 - Didier Decoin, John l'Enfer (Seuil)
- 1978 - Patrick Modiano, Rue des boutiques obscures (Gallimard) - Qui pousse un certain Guy Roland, employé d'une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d'un inconnu, disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d'amnésie ?
Au cours de sa recherche, il recueille des bribes de la vie de cet homme qui était peut-être lui et à qui, de toute façon, il finit par s'identifier. Comme dans un dernier tour de manège, passent les témoins de la jeunesse de ce Pedro Mc Evoy, les seuls qui pourraient le reconnaître : Hélène Coudreuse, Freddy Howard de Luz, Gay Orlow, Dédé Wildmer, Scouffi, Rubirosa, Sonachitzé, d'autres encore, aux noms et aux passe-ports compliqués, qui font que ce livre pourrait être l'intrusion des âmes errantes dans le roman policier. - 1979 - Antonine Maillet, Pélagie la Charrette (Grasset) - Chassée par les Anglais en 1755, une veuve, devenue esclave en Géorgie, décide de revenir en Acadie avec ses enfants. Rejointe par d'autres exilés, son odyssée de toutes les amours, de tous les dangers, durera dix ans. De Charleston à Baltimore, en passant par les marais de Salem, Pélagie et son peuple croiseront les Iroquois, connaîtront la guerre d'Indépendance américaine, souffriront la haine des protestants de Boston et un hiver rigoureux avant de regagner leur Terre promise. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus de cette épopée : la langue d'Antonine Maillet, ce français ou l'héroïsme d'une femme incarnant le courage de nos lointains cousins. Une certitude cependant : par son humour, sa ferveur, Pélagie-la-Charette est un chef-d'oeuvre à rire et à pleurer.
- 1980 - Yves Navarre, Le Jardin d'acclimatation (Flammarion)
- 1981 - Lucien Bodard, Anne Marie (Grasset) - L'enfant Lucien Bonnard, le fils de Monsieur le Consul, abandonne la Chine pour découvrir la France. Le roman débute le jour où Lucien, seul avec sa mère, Anne Marie, débarque sur le sol de la métropole tant glorifiée par Monsieur le Consul, resté au loin. Alors l'enfant Lucien va vivre trois mois de folie, trois mois de passion, trois mois de jalousie, trois mois de désespoir. Car il croit qu'il va avoir sa mère pour lui tout seul. Et il va sentir qu'Anne Marie lui échappe, qu'elle n'est pas là pour filer le parfait amour avec son fils mais pour mener la vie mondaine dont elle rêve. Elle n'a qu'un but: entrer dans l'intimité d'un couple célèbre qui a fait la carrière de son mari, celui d'André et d'Edmée. Elle se débarrasse d'un fils encombrant, en le faisant admettre dans la pension la plus chic de France... Lulu Bonnard le Chinois atteint là le fond de l'humiliation et du désespoir... Anne Marie ne vient pas le voir une seule fois. Enfin arrivent les vacances. Le fils retrouve sa mère, toujours semblable et pourtant différente: elle est devenue parisienne, elle éblouit le monde de 1925, elle fascine et bouleverse son fils. Lucien Bodard brosse un superbe portrait de femme. Anne Marie... La mère, l'ambitieuse, la mondaine, Anne Marie l'incertaine, l'angoissée. Et il a écrit le plus beau et le plus douloureux roman d'amour, celui de l'amour filial.
- 1982 - Dominique Fernandez, Dans la main de l'Ange (Grasset)
- 1983 - Frédérick Tristan, Les Égarés (Balland)
- 1984 - Marguerite Duras, L'Amant (Minuit)
- 1985 - Yann Queffélec, Les Noces barbares (Gallimard)
- 1986 - Michel Host, Valet de nuit (Grasset)
- 1987 - Tahar Ben Jelloun, La Nuit sacrée (Seuil) - Avec ce nouveau roman, Tahar Ben Jelloun nous livre la deuxième partie - ou plutôt « l'autre face » - de L'Enfant de sable publié en 1985.
Ahmed, on s'en souvient, était la fille d'un homme humilié de ne point avoir d'héritier mâle et qui avait décidé, dans le secret de la maison, que celle-ci en serait un ; que la femme serait homme et que le destin serait ainsi forcé. Élevé(e) en garçon, habillé(e) en garçon, il (ou elle) entamera une étrange existence. Son histoire était racontée par un conteur incertain, affabulateur peut-être.
Dans La Nuit sacrée, Ahmed devenu vieux (ou vieille) prend à son tour la parole et livre sa propre version des événements - la vraie ? - son autobiographie, en somme. Infiniment plus violente, aiguë. Le roman se trouve ainsi comme emboîté dans le précédent, mais il conquiert pourtant, de page en page, son autonomie. - 1988 - Erik Orsenna, L'Exposition coloniale (Seuil) - Je m'appelle Gabriel.
Je suis né en 1883 à Levallois, capitale des chevaux. Louis était mon père, très gourmand de mariages. Moi, depuis plus d'un demi-siècle, j'aime deux soeurs : Clara, la longue, photographe de shtetls, et Ann, la blonde, une femme d'affaires qui ne se donne que debout.
Grâce à elles, ma vie aura ressemblé à une Exposition coloniale : un faux empire, des rêves trop grands, un spectacle pour les familles...
Grâce à elles, j'aurai connu l'Amazonie, Belem do Para, le positivisme, le port de Londres, la course automobile, la vie secrète de Clermont-Ferrand, les belles amies de Freud, le visage hideux du Vélodrome d'hiver, la vieille Hué, capitale des tombeaux... Et tant d'autres curiosités.
Ann et Clara m'auront appris des vérités insoupçonnées, par exemple que le caoutchouc ressemble à la démocratie, il évite les guerres civiles entre les choses, que sans les bicyclettes jamais nous n'aurions perdu Dien Bien Phu, ou que les chagrins (l'amour sont plus doux dans la jungle... - 1989 - Jean Vautrin, Un grand pas vers le Bon Dieu (Grasset)
- 1990 - Jean Rouaud, Les Champs d'honneur (Minuit)
- 1991 - Pierre Combescot, Les Filles du Calvaire (Grasset) - Derrière le comptoir du bistrot des Trapézistes, aux Filles-du-Calvaire, trône Madame Maud, née Rachel Aboulafia, Tunisienne dont la grand-mère alimenta jadis la chronique de La Goulette. Autour d'elle, un petit monde interlope et coloré où se côtoient artistes du Cirque d'Hiver tout proche, souteneurs, prostitués des deux sexes, rabbins, danseuses, flics et commerçants. Mille et une destinées qui emplissent ce livre baroque, dans le Paris de la première moitié du siècle, ressuscité avec une poésie et une verve qui auraient enchanté Apollinaire et Carco.
- 1992 - Patrick Chamoiseau, Texaco (Gallimard) - " Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre avec un visage grave, solennel, et des yeux immobiles. Je n'avais jamais perçu autant d'autorité profonde irradier de quelqu'un... Elle mélangeait le créole et le français, le mot vulgaire, le mot précieux, le mot oublié, le mot nouveau... " Et c'est ainsi que Marie-Sophie Laborieux raconte à l'auteur plus de cent cinquante ans d'histoire, d'épopée de la Martinique, depuis les sombres plantations esclavagistes jusqu'au drame contemporain de la conquête des villes. D'abord, les amours d'Esternome, " le nègre-chien " affranchi, avec la volage Ninon qui périt grillée dans l'explosion de la Montagne Pelée, puis avec Idoménée l'aveugle aux larmes de lumière, qui sera la mère de Marie-Sophie. Dans les temps modernes, Marie-Sophie erre d'un maître à l'autre au gré de mille et un "job" qui l'initient à l'implacable univers urbain. Ses amours sont sans lendemain. Devenue l'âme du quartier Texaco, elle mène la révolte contre les mulâtres de la ville, contre les békès qui veulent s'approprier les terres, contre les programmes de développement qui font le temps-béton. C'est cette femme de combat que le Christ (un urbaniste chargé de raser le quartier Texaco) affrontera lors d'une ultime bataille où les forces de la Parole resteront la seule arme. Patrick Chamoiseau a sans doute écrit, avec Texaco, le grand livre de l'espérance de la l'amertume du peuple antillais, depuis l'horreur des chaînes jusqu'au mensonge de la politique de développement moderne. Il brosse les scènes de la vie quotidienne, les moments historiques, les fables créoles, les poèmes incantatoires, les rêves, les récits satiriques. Monde en ébullition où la souffrance et la joie semblent naître au même instant.
- 1993 - Amin Maalouf, Le Rocher de Tanios (Grasset) - "Le destin passe et repasse à travers nous, comme l'aiguille du cordonnier à travers le cuir qu'il façonne." Pour Tanios, enfant des montagnes libanaises, le destin se marque d'abord dans le mystère qui entoure sa naissance : fils de la trop belle Lamia, des murmures courent le pays sur l'identité de son vrai père. Le destin passera de nouveau, dans ces années 1830 où l'Empire ottoman, l'Egypte, l'Angleterre se disputent ce pays promis aux déchirements, le jour où l'assassinat d'un chef religieux contraindra Tanios à l'exil... Mêlant l'histoire et la légende, la sagesse et la folie des hommes, le romancier de Léon l'Africain et du Premier Siècle après Béatrice nous entraîne dans un prodigieux voyage romanesque qui lui a valu le prix Goncourt 1993. Un merveilleux conteur. Terre bénie de Dieu, mais hostile aux hommes de bonne volonté, le Liban de Tanios est un mélange d'eau de fleurs d'oranger et d'odeur de poudre. En lisant Le Rocher de Tanios, un Orient se rapproche.
- 1994 - Didier Van Cauwelaert, Un aller simple (Albin Michel) - Aziz est né en France, de parents inconnus. Recueilli par les Tsiganes des quartiers nord de Marseille, il a grandi sous la nationalité marocaine, n’ayant pas les moyens de s’offrir un faux passeport français. Professionnellement, il s’est spécialisé dans les autoradios : il les vole et les revend. Sa vie bascule le jour où le gouvernement décide une grande opération médiatique de retour au pays. Voilà Aziz confié à un jeune et idéaliste «attaché humanitaire», chargé d’aller le «réinsérer dans ses racines», et qui lui demande où se trouve son lieu de naissance. Le doigt d’Aziz montre au hasard, sur la carte du Maroc, une zone vierge du Haut-Atlas. Et l’aventure commence…Un roman drôle et poignant, qui a obtenu le prix Goncourt en 1994.
- 1995 - Andreï Makine, Le Testament français (Mercure de France) - " Je me souvenais qu'un jour, dans une plaisanterie sans gaîté, Charlotte m'avait dit qu'après tous ses voyages à travers l'immense Russie, venir à pied jusqu'en France n'aurait pour elle rien d'impossible [...].Au début, pendant de longs mois de misère et d'errances, mon rêve fou ressemblerait de près à cette bravade. J'imaginerais une femme vêtue de noir qui, aux toutes premières heures d'une matinée d'hiver sombre, entrerait dans une petite ville frontalière [...]. Elle pousserait la forte d'un café au coin d'une étroite place endormie, s'installerait près de la fenêtre, à côté d'un calorifère. La patronne lui apporterait une tasse de thé.Et en regardant, derrière la vitre, la face tranquille des maisons à colombages, la femme murmurerait tout bas : 'C'est la France... Je suis retournée en France. Après... après toute une vie.'"
- 1996 - Pascale Roze, Le Chasseur Zéro (Albin Michel)
- 1997 - Patrick Rambaud, La Bataille (Grasset)
- 1998 - Paule Constant, Confidence pour confidence (Gallimard)
- 1999 - Jean Echenoz, Je m'en vais (Minuit)
- 2000 - Jean-Jacques Schuhl, Ingrid Caven (Gallimard) - Nuit de Noël au bord de la mer du Nord en 1943 : une petite fille de quatre ans chante Nuit sacrée pour les soldats d'Adolf Hitler. Un demi-siècle plus tard, chanteuse et actrice de cinéma connue, elle donne, à la fin d'une réception officielle, un bref récital dans la Citadelle de David à Jérusalem. Infirme et presque aveugle dans sa jeunesse, elle est devenue cette femme qui, sur scène, a « le sang-froid d'un torero, la concentration d'un moine bouddhiste et la vitale fantaisie d'une animatrice de bordel ».Ça, c'est l'héroïne. Il y a aussi une robe de satin noir que lui coupe, à même la peau, le grand couturier, un mystérieux manuscrit près du lit de mort du célèbre cinéaste qui a été son mari, le yacht d'un producteur flamboyant entouré de sa cour de filles et de bouffons : tout ce qu'il faut pour un roman de gare. Mais l'écriture, qui mélange la sèche brutalité des documents avec le ton des contes de fées et du rêve, les dispositifs raffinés du montage et une forte musicalité transforment tout cela en un pur objet littéraire.
- 2001 - Jean-Christophe Rufin, Rouge Brésil (Gallimard) - La conquête du Brésil par les Français est un des épisodes les plus extraordinaires et les plus méconnus de la Renaissance. "Rouge Brésil" raconte cette histoire à travers deux enfants, Just et Colombe, embarqués de force dans cette expédition pour servir d'interprètes auprès des tribus indiennes. Tout est démesuré dans cette aventure. Le cadre : cette baie sauvage de Rio, encore livrée aux jungles et aux Indiens cannibales. Les personnages, et d'abord le Chevalier de Villegagnon, chef de cette expédition, nostalgique des croisades, pétri de culture antique, précurseur de Cyrano ou de d'Artagnan. Les événements : le huis clos dramatique de cette France des Tropiques sera une répétition générale, avec dix ans d'avance, des guerres de religion.
- 2002 - Pascal Quignard, Les Ombres errantes (Grasset)
- 2003 - Jacques-Pierre Amette, La Maîtresse de Brecht (Albin Michel)
- 2004 - Laurent Gaudé, Le Soleil des Scorta (Actes Sud) - Sous le soleil écrasant du Sud italien, le sang des Scorta transmet, de père en fils, l'orgueil indomptable, la démence et la rage de vivre de ceux qui, seuls, défient un destin retors. Prs l'auteur de La Mort du roi Tsongor (prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires 2003).Un homme avance sur sa mule dans un paysage pétrifié de chaleur, sous l'implacable soleil des Pouilles, en direction du minuscule village de Montepuccio, où il vient assouvir, au risque d'y perdre la vie, son désir et sa vengeance. Ses fautes de jeunesse - vols, violences, crimes de toutes sortes -, il les a payées de dix-sept ans de prison. Désormais libre, il entend bien, de gré ou de force, faire sienne une femme que dans sa jeunesse il convoitait.De cette vengeance - on pourrait même dire : de cette scène primitive - va surgir la lignée des Scorta, une famille de "pouilleux" marqués par l'opprobre et la faute originelle, mais qui peu à peu, sur quatre générations, parvient à subsister, à planter ses racines dans un sol fruste, à saisir sa chance, transmettre ses valeurs et s'accorder aux beautés de sa terre nataleL'histoire de la famille Scorta se déroule sur un siècle (1870 à nos jours). Elle prend le double aspect d'un récit "objectif" et linéaire eue viennent scander les soliloques d'un des personnages, Carmela, vieillarde qui, avant de perdre la mémoire, se hâte de confier à l'ancien curé de Montepuccio ce qu'elle n'a pu encore raconter à personne : son voyage à New York avec ses frères, la création du bureau de tabac de Montepuccio, et plus largement sa vision subjective de l'aventure des Scorta.Car ce roman puissamment sudiste et solaire n'est nullement, au sens où on l'entend couramment, une "saga familiale". Marqué par la force de la parole, par la sincérité des personnages, par l'humilité et l'obstination des gens simples, par la recherche et la connaissance des joies élémentaires, le nouveau livre de Laurent Gaudé entrelace les destins comme les voix d'un hymne étincelant d'humanisme.
- 2005 - François Weyergans, Trois jours chez ma mère (Grasset) - Le héros de ce roman, un homme désemparé, décide, le jour de ses cinquante ans, d'annuler tous ces rendez-vous afin d'essayer de savoir où il en est. Il voudrait changer de vie, de métier, de femme, de ville, et même d'époque ! "Je refuse, se dit-il, le côté vomitoire de celui qui se penche sur son passé, je veux m'élancer vers le futur". Cependant, il ne peut s' abolir ce passé dont il voudrait se délivrer. Il se souvient d'un voyage de deux mois, en Italie et en Grèce, avec sa femme. Ce voyage a failli les séparer, mais le souvenir qu'il en garde le rend amoureux d'elle. Et pourtant, affirme-t-il, "j'aurais passé ma vie à souhaiter vivre avec d'autres femmes qu'elle".
- 2006 - Jonathan Littell, Les Bienveillantes (Gallimard) - «En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce n'est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme discret ; grâce à Dieu, je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification, car je n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien ma vie comme ça. Je ne regrette rien : j'ai fait mon travail, voilà tout ; quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi, elles ne concernent que moi ; et pour le reste, vers la fin, j'ai sans doute forcé la limite, mais là je n'étais plus tout à fait moi-même, je vacillais, le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête, reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l'air, le manger, le boire et l'excrétion, et la recherche de la vérité. Le reste est facultatif.»Avec cette somme qui s'inscrit aussi bien sous l'égide d'Eschyle que dans la lignée de Vie et destin de Vassili Grossman ou des Damnés de Visconti, Jonathan Littell nous fait revivre les horreurs de la Seconde Guerre mondiale du côté des bourreaux, tout en nous montrant un homme comme rarement on l'avait fait : l'épopée d'un être emporté dans la traversée de lui-même et de l'Histoire.
- 2007 - Gilles Leroy, Alabama song (Mercure de France)
- 2008 - Atiq Rahimi, Syngué sabour. Pierre de patience (P.O.L.) - " Cette pierre que tu poses devant toi... devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs, toutes tes misères... à qui tu confies tout ce que tu as sur le coeur et que tu n'oses pas révéler aux autres... Tu lui parles, tu lui parles. Et la pierre t'écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate. Elle tombe en miettes. Et ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines... Comment appelle-t-on cette pierre ? " En Afghanistan peut-être ou ailleurs, une femme veille son mari blessé. Au fond, ils ne se connaissent pas. Les heures et les jours passent tandis que la guerre approche. Et la langue de la femme se délie, tisse le récit d'une vie d'humiliations, dans l'espoir d'une possible rédemption.
- 2009 - Marie NDiaye, Trois Femmes puissantes (Gallimard)
- 2010 - Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire (Flammarion) - Cinq ans après La possibilité d'une île, Michel Houellebecq revient avec un grand roman qui raconte la vie de trois personnages masculins.Certains y verront un retour aux thèmes d'Extension du domaine de la lutte et des Particules élémentaires, d'autres salueront un texte puissant, à la fois contemporain et profondément classique, d'une admirable maîtrise littéraire.Si Jed Martin, le personnage principal de ce roman, devait vous en raconter l’histoire, il commencerait peut-être par vous parler d’une panne de chauffe-eau, un certain 15 décembre. Ou de son père, architecte connu et engagé, avec qui il passa seul de nombreux réveillons de Noël.Il évoquerait certainement Olga, une très jolie Russe rencontrée au début de sa carrière, lors d’une première exposition de son travail photographique à partir de cartes routières Michelin. C’était avant que le succès mondial n’arrive avec la série des « métiers », ces portraits de personnalités de tous milieux (dont l’écrivain Michel Houellebecq), saisis dans l’exercice de leur profession.Il devrait dire aussi comment il aida le commissaire Jasselin à élucider une atroce affaire criminelle, dont la terrifiante mise en scène marqua durablement les équipes de police.Sur la fin de sa vie il accédera à une certaine sérénité, et n’émettra plus que des murmures.L’art, l’argent, l’amour, le rapport au père, la mort, le travail, la France devenue un paradis touristique sont quelques-uns des thèmes de ce roman, résolument classique et ouvertement moderne.
- 2011 - Alexis Jenni, L'Art français de la guerre (Gallimard)
rongés quelques uns...
j'en ai profité pour faire le tour de ceux que j'ai lu
et ceux que j'aurai envie de lire...
et ceux qui sont en attente depuis une éternité...
Je n'ai lu que les fruits de l'hiver de Bernard Clavel. Comme quoi, j'ai encore beaucoup à découvrir.
RépondreSupprimerpas folle des prix littéraires, mais je suis curieuse...
Supprimerça m'a rappelé que j'avais toujours le Orsenna en attente depuis des années...
et que j'ai envie de lire "Le Dernier des Justes" de André Schwartz-Bart.
et que le pire que j'ai lu est celui de François Weyergans...
bonne soirée Gaelle,
J'ai lu "L'Amant" de Duras et "Un aller simple" de Van Cauwelaert.
RépondreSupprimerJ'ai commencé "L'exposition coloniale" de Orsenna à sa sortie mais n'ai pas achevé. je devrais peut-être le reprendre.