1675 : Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, écrivain français, célèbre pour ses Mémoires († 2 mars 1755).
Louis de Rouvroy de Saint-Simon, né à Paris le 16 janvier 1675 et mort le 2 mars 1755, est un membre de la noblesse française, duc de Saint-Simon, célèbre pour ses Mémoires qui racontent par le menu la vie à la Cour aux temps du roi Louis XIV et de la Régence. Il est le fils de Claude de Rouvroy de Saint-Simon et de sa seconde femme, Charlotte de L'Aubespine.
Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825), philosophe et industriel français fondateur du saint-simonisme, est un parent éloigné de l'auteur.
Bibliographie
Œuvre majeure de Saint-Simon, les Mémoires ont longtemps attendu leur publication. Embastillés pendant soixante ans, ils ne furent pas le fait des héritiers directs, obérés par la succession. Le manuscrit est gardé chez un notaire. Le neveu du petit duc, le général et marquis de Saint-Simon, commence le grand travail de publication. Il existe une édition originale, très rare, éditée par Buisson en 1788, 3 volumes in-12. La première grande édition des œuvres complètes est celle d'Adolphe Chéruel, à partir de 1858, suivie par celle de Boislisle, de 1879 à 1930. Ces éditions établissent la gloire de Saint-Simon, détrônant le cardinal de Retz au panthéon des mémorialistes, et le consacrant comme source historique majeure pour le règne de Louis XIV.
Mieux encore, Saint-Simon gagne le titre de véritable écrivain. Les admirateurs de sa prose sont nombreux parmi les auteurs francophones : c’est l’un des rares mémorialistes à être lu pour son style. Pourtant, Saint-Simon lui-même avoue : « Je ne me pique pas de bien écrire. » D’un point de vue académique, il dit vrai. Sa grammaire n’est pas toujours rigoureuse, et son vocabulaire est archaïque, figé à la première partie du règne de Louis XIV.
Cela même fait l’originalité du style de Saint-Simon : il ne se surveille pas. Chez lui la phrase se bouscule, hachée et fiévreuse, toute en ellipses, à tel point que Chateaubriand dit de lui : « Il écrit à la diable pour la postérité ». Sa phrase semble parfois, comme chez Proust, vouloir embrasser tous les aspects d’une question, et ne s’éteindre que lorsque le sujet a été épuisé. Tantôt, au contraire, il supprime le verbe et accumule les notations rapides. Ainsi décrit-il le tsar Pierre le Grand lors de sa visite à Paris en 1717 :
« Ce monarque se fit admirer par son extrême curiosité, toujours tendante à ses vues de gouvernement, de commerce, d'instruction, de police, et cette curiosité atteignit à tout et ne dédaigna rien, dont les moindres traits avaient une utilité suivie, marquée, savante, qui n'estima que ce qui méritait l'être, en qui brilla l'intelligence, la justesse, la vive appréhension de son esprit. Tout montrait en lui la vaste étendue de ses lumières et quelque chose de continuellement conséquent. Il allia d'une manière tout à fait surprenante la majesté la plus haute, la plus fière, la plus délicate, la plus soutenue, en même temps la moins embarrassante quand il l'avait établie dans toute sa sûreté, avec une politesse qui la sentait, et toujours, et avec tous, et en maître partout, mais avait ses degrés suivant les personnes. Il avait une sorte de familiarité qui venait de liberté ; mais il n'était pas exempt d'une forte empreinte de cette ancienne barbarie de son pays qui rendait toutes ses manières promptes, même précipitées, ses volontés incertaines, sans vouloir être contraint ni contredit sur pas une ; sa table, souvent peu décente, beaucoup moins ce qui la suivait, souvent aussi avec un découvert d'audace, et d'un roi partout chez soi. »
— Saint-Simon, Mémoires, La Pléiade, vol. VI, p. 352-3531
C’est aussi un bon conteur, narrant avec clarté et minutie des histoires souvent embrouillées, sachant ménager ses effets et son suspense, transformant une anecdote mineure en véritable comédie. Enfin, Saint-Simon se distingue par la fougue de son discours. Il a l’indignation facile, l’insulte retorse et la plume bien aiguisée. Bien peu trouvent grâce à ses yeux. Il offre ainsi au lecteur un panorama parfois injuste, mais souvent réjouissant, de la cour de Louis XIV.
L’œuvre n’est pas homogène. À des passages d’anthologie (portrait des personnalités disparues, veillée funèbre de Louis XIV) s’opposent des « tunnels » auxquels le lecteur moderne est moins sensible : ainsi rédige-t-il de longues dissertations sur la hiérarchie relative des grands du royaume. Saint-Simon n’écrit en effet pas seulement pour raconter son époque, mais aussi pour promouvoir ses idées politiques, voire pour se promouvoir lui-même. Les historiens considèrent en effet que souvent il exagére l'importance de son propre rôle dans les affaires politiques des années 1710-1723. Son œuvre elle-même ne fournit pas toujours ses sources. Saint-Simon puise abondamment dans le Journal de Dangeau pour les anecdotes de la cour, mais ne l'évoque guère que pour le critiquer lorsqu'il y trouve des erreurs. Il se fonde aussi sur le journal de Torcy pour les événements internationaux.
De grands écrivains français sont profondément influencés par l’œuvre de Saint-Simon, dont Stendhal et Proust.
Le premier a pu connaître les Mémoires par les publications d’extraits réalisées entre 1781 et 1819, avant que les héritiers ne rentrent en possession des manuscrits à cette date et n’autorisent une première publication en 1829, complète mais très perfectible. Stendhal a été fasciné par les Mémoires, ce qu’il a résumé par la célèbre boutade : « J’ai deux passions, les cornichons et Saint-Simon ! » Il lui emprunte de nombreux procédés littéraires « modernes » qu’utilise le duc en dépit de sa réputation d’archaïsme, en particulier la description subjective, qui consiste à décrire une scène uniquement à travers les détails qu’en perçoit un personnage. DansLa Chartreuse de Parme de Stendhal, les descriptions des intrigues de cour et les portraits de nombreux personnages secondaires sont ouvertement inspirés de Saint-Simon, qui est d’ailleurs expressément cité.
Marcel Proust a été un admirateur fervent du mémorialiste, dont il a d’ailleurs fait un long et savoureux pastiche (Pastiches et mélanges, 1919). L’évocation dans À la recherche du temps perdu des salons aristocratiques du début du xxe siècle doit autant aux souvenirs mondains de Proust lui-même qu’aux scènes de la cour de Louis XIV qu’il avait lues dans Saint-Simon, très souvent cité dans le roman, notamment lors des passages où apparaît le personnage haut en couleurs du baron de Charlus. Proust a aussi cherché à recréer dans ces passages une certaine manière de parler que Saint-Simon appelait, mais sans donner d’exemples, l’« esprit Mortemart », du nom d’une grande famille noble à laquelle appartenait la marquise de Montespan : « [...] une éloquence naturelle, une justesse d’expression, une singularité dans le choix des termes qui coulait de source et qui surprenait toujours, avec ce tour particulier à Mme de Montespan et à ses sœurs, et qui n’a passé qu’aux personnes de sa familiarité ou qu’elle avait élevées. » (Mémoires, portrait de la duchesse d’Orléans). Proust chercha à illustrer cet esprit à travers son personnage de la duchesse de Guermantes, sans d’ailleurs être pleinement satisfait du résultat. Mais de manière plus profonde, Proust a été fasciné par la réussite du projet littéraire de Saint-Simon, qui ressuscite par l’écriture un monde disparu depuis trente ans : comme le duc-mémorialiste, le narrateur de la Recherche comprend sur le tard que les déceptions de la vie et la certitude de la mort peuvent être transcendées par la littérature.
rongé par petits bouts...
envie de grignoter...
« Cette pute me fera mourir… » soupirait Marie-Thérèse, reine de France, épouse de Louis XIV, en regardant le Roi s’afficher avec la belle Montespan. Le duc de Saint-Simon, qui a tout vu et tout entendu, raconte Versailles et ses brillants acteurs. Témoin de la grandeur du règne, il en explore aussi les coulisses : intrigues, scandales et anecdotes se mêlent aux récits des morts illustres. À la fois véridiques et visionnaires, ses Mémoires nous font entrer au Château et partager la vie de la cour et du Grand Roi avec un esprit, une verve, un génie inégalés.
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